Atouts de l’émergence et leur impact sur le développement économique
Un chiffre brut, une anomalie statistique ou une trajectoire qui déjoue tous les pronostics : voilà ce que certains pays affichent, propulsant leur économie sans disposer d’un arsenal technologique de pointe ni d’un sous-sol débordant de richesses. À l’écart des projecteurs, des nations s’invitent parmi les grandes puissances et bousculent l’ordre établi. Ces avancées, souvent tenues à l’écart des modèles classiques, racontent la vitalité d’un monde plus complexe qu’il n’y paraît.
Les outils habituels, ceux qu’on brandit pour expliquer la réussite ou la stagnation d’un pays, patinent face à ces parcours inattendus. En coulisses, ce sont les institutions, les structures de gouvernance et les choix collectifs qui façonnent le destin économique. Ces ressorts internes, longtemps minorés, s’imposent désormais comme des leviers puissants, capables de modifier la trajectoire de tout un continent.
Plan de l'article
Comprendre l’émergence économique : définitions, critères et enjeux contemporains
Apparu dans le langage international à la faveur des récents bouleversements, le terme pays émergent s’est imposé comme un repère clé dans les analyses financières et géopolitiques. Les lignes du classement mondial se brouillent : plus question de s’en tenir à une division stricte Nord-Sud. Avec la montée en puissance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) théorisés par Jim O’Neill, sans oublier les NPI asiatiques, le visage du développement économique s’est radicalement transformé. Banque mondiale et Fonds monétaire international multiplient aujourd’hui les indicateurs pour distinguer ces acteurs : décollage du PIB, diversification industrielle express, ouverture raisonnée aux marchés financiers, amélioration de l’IDH.
Mais il ne suffit pas d’aligner quelques bons chiffres pour franchir le cap de l’émergence. Dani Rodrik (Search for Prosperity) comme Piveteau et Rougier (Les pays émergents) soulignent que présence au G20 ou membres de l’OMC ne font pas tout. Le réel défi consiste à transformer de fond en comble le tissu productif, renforcer l’enracinement de l’économie politique, s’intégrer à la globalisation en gardant le cap.
Quels repères privilégient les grandes institutions pour qualifier l’émergence ?
Pour départager ces nouveaux venus, certaines balises comptent particulièrement :
- Une croissance économique rapide et maintenue sur plusieurs années
- Un rythme d’industrialisation soutenu, une adaptation des exportations et une diversification économique effective
- Une ouverture structurée aux marchés financiers à l’international
- Un bond tangible de l’IDH et un recul manifeste de la pauvreté
L’émergence reste mouvante. L’avancée fulgurante de certains pays s’accompagne, aujourd’hui, de défis de taille : basculement démographique, tension sociale, nouvelles exigences écologiques, pression grandissante au sein du G20 et redéfinition des liens avec le G7. Les analyses d’économie politique confirment ce constat : ces États avancent sur un fil, exposés à l’instabilité de la globalisation et à l’imprévisibilité des flux financiers mondiaux.
Quels atouts distinguent les pays émergents dans la dynamique du développement ?
L’esprit d’innovation des économies émergentes s’observe dans leur capacité unique à articuler transition démographique et urbanisation accélérée. En Chine, en Inde, au Mexique, la croissance d’une classe moyenne soutient la demande, stimule la consommation et encourage la naissance de nouveaux secteurs. L’urbanisation, renforcée depuis les années 1980, stimule la diffusion des technologies et dope la création de hubs industriels puissants, en phase d’attirer de vastes investissements directs étrangers.
La transformation industrielle s’appuie largement sur la division internationale du travail. La Chine est devenue le premier partenaire commercial de nombreux pays, grâce à une mutation fulgurante de ses structures productives. Singapour ou la Corée du Sud illustrent à leur manière ce tout-puissant effet de levier : mutation du textile vers l’électronique, percée en pharmacie, essor de la tech. L’accès à des matières premières stratégiques et une maîtrise toujours plus précise des chaînes de valeur mondiales jouent ici un rôle central.
Observons le poids décisif des exportations : elles soutiennent la croissance, apportent devises et financent modernisation. L’attractivité de ces marchés repose sur une main-d’œuvre qualifiée, des politiques publiques volontaires et un climat économique en évolution. Parallèlement, le tissu productif se réinvente : les services prennent avec force le relais, couvrant la finance, l’informatique, l’assurance ou la recherche scientifique.
Impossible de négliger le rôle joué par la politique économique. De nombreux gouvernements, inspirés par l’exemple de l’Asie de l’Est, ont orchestré une intervention publique pragmatique, dosant l’ouverture aux marchés financiers et la dynamique innovation-industrie. Cette stratégie, née à Séoul et Singapour, s’expérimente dorénavant à Hanoï, Jakarta ou Istanbul.
L’impact de l’émergence sur la croissance, les sociétés et l’ordre économique mondial
L’arrivée des pays émergents bouscule radicalement les rapports de force économiques et diplomatiques. Chine, Inde ou Brésil, jadis à l’écart, s’imposent désormais dans les grands forums internationaux, pèsent sur le G20 et dans les négociations de l’OMC. À l’échelle planétaire : alors qu’ils représentaient environ un quart du PIB mondial en 1990, ces États en captent aujourd’hui près de 40 %, selon la Banque mondiale. Ce glissement rebat les règles du jeu, forçant les institutions internationales à revoir leur logiciel.
Mais ce mouvement va bien au-delà des statistiques. La croissance rapide de ces sociétés a permis à des centaines de millions d’habitants, notamment en Asie, de sortir du dénuement. L’envers de cette course : de nouveaux défis structurants. Les écarts de richesse, la nécessité de piloter des villes-mondes, la pression sur les ressources exigent de réinventer la gouvernance, repenser la distribution des richesses et accorder une vigilance accrue à l’environnement. Shanghai, Mumbai, Lagos : chacune de ces métropoles illustre à sa façon ce mélange explosif de dynamisme et de fragilité qui caractérise la transformation en cours.
Sur la scène globale, l’affirmation des BRICS ne laisse guère place à l’indifférence. Leur volonté : s’imposer comme forces de proposition, peser face au G7 et exporter de nouveaux modèles de développement. Le soft power gagne du terrain, la diplomatie économique s’intensifie, les investissements et la culture deviennent des leviers de rayonnement. Cette redistribution des cartes attise tensions, rivalités… mais suscite aussi l’envie d’expérimenter d’autres trajectoires collectives. Face à l’avenir, la question reste entière : jusqu’où ces puissances redessineront-elles la dynamique du monde ?
| Part du PIB mondial | 1990 | 2023 |
|---|---|---|
| Pays émergents | ~24 % | ~40 % |
| Pays avancés | ~76 % | ~60 % |
Il faudra observer si cet élan inédit aboutira à un nouvel équilibre durable ou si la prochaine onde de choc mondiale redistribuera, une fois encore, toutes les positions acquises.
